Février 2005.
Mars 2005.
On pourrait penser que l'on évolue avec le temps.
Pourtant entre ces deux photos il n'y a même pas un mois entier. Pas même trente jours.
Comment une jeune fille de 13ans, grande timide aux longs cheveux blonds, s'habillant de toutes les couleurs, peut-elle passer à ces cheveux noir corbeau, ces vêtements sombres avec cette dentelle, et cette mitaine camouflant ces plaies sur l'avant bras gauche,
Comment?
J'aurais aimé avoir la réponse.
Je vous ai récemment souvent parlé de cette période de me 14ans, cette sombre période qui m'a totalement bouleversée. Ca a commencé en Mars 2005. Et tout s'est fini exactement 5 mois après, en Aout 2005. J'étais loin d'avoir conscience que c'est là que commenceraient tous mes maux. Cette autodestruction massive. Ce changement irréversible.
5 Mars 2005.
Comme les autres jours, je suis en cours. En classe de 4ème, toujours bonne élève. Ayant radicalement changé de style depuis la rentrée de Septembre, les profs ne m'accordent que peu d'attention. Je me suis trouvé un très bon ami dans ma classe, Simon L, avec qui je passe mes journées à rire et à inventer des tripp débiles et puériles.
Je suis habillée avec un pantalon noir que j'ai acheté il y a peu de temps, en toile, bien large, resserrée en bas par des liens coulissants, il fait un effet baggy retombant sur mes grosses chaussures.
J'attends avec Simon de rentrer en classe de français, adossé au mur des couloirs avec les autres élèves de notre classe.
Une fille de notre classe passe alors devant nous, et je la remarque pour la première fois en 6 mois. C'était le fantôme, la fille que personne ne connaissait, qui n'avait pas d'amis, qui ne parlait pas, qui n'avait pas de style. Je la remarque enfin car elle avait acheté exactement le même pantalon que moi. Et pour la première fois, elle s'assoit près de nous dans la classe. Et on parle. Et on parle.. On rigole.
On l'appellera N.
14 Mars 2005.
N, pour la première fois, dormait chez moi. On avait lâchement abandonné Simon plus tôt dans la journée, lui ayant méchamment fait comprendre qu'on ne voulait pas de lui. On ne dormait pas de la nuit. On ne faisait que rigoler et parler de tout et de rien, c'est alors qu'on s'est découvert des milliers de points communs, de rêves, de projets, des envies, de tout. Nuit blanche.
Dès le lendemain, on ne se quittait plus d'une semelle.
20 Mars 2005.
Je dis Adieu à mes cheveux blonds, avec deux boites de coloration couleur 'Noir corbeau'. Je jetais tous mes habits comportant autre couleur que du noir. J'arrivais au collège le lendemain tout en noir, habillée d'un haut que l'on venait de voler avec N, tout noir avec un laçage en ruban au décolleté, et des manches en dentelles. Les gens ont eu peur de moi, peut être gêné ou interloqué. Pour un changement, on peut dire que c'en étant un grand.
A partir de là, peu de personne ont continué à me parler. Ou alors c'était sur un ton comme s'ils étaient désolés de ce que j'étais devenu. N. et moi étions soudées, enfermées dans notre monde, dans notre bulle. Nos prénoms ne formaient plus qu'un : Nolice.
Avril 2005.
Nous partageons la même garde robe. On vole des habits qui sont trop cher pour nous.
Je la ramène dans mon 'groupe' d'amis, mais personne ne prends vraiment part à nos délires.
On se rendait au skate-parc à la fin des cours, pour retrouver les autres, pour fumer du shit, et planer. Je lisais sur le visage des autres qu'ils nous prenaient pour des connes. Mais je me le cachais, je faisais comme si de rien n'était. Il était plus que clair que l'on dérangeait.
Si l'on allait pas chez elle après, on rentrait chez moi, avec le dernier bus de 20h20. Ma mère n'appréciait pas vraiment à mon âge que je rentre aussi tard. Mais je n'y faisais pas attention. N. me trainait dans ma chambre, et l'on en sortait pas. A part peut être pour fumer. On passait notre temps à parler. Des autres, de nous deux, de combien c'était fort que l'on se soit trouver. Nous étions comme des âmes soeurs. Je disais quelque chose, elle le confirmait. Elle pensait quelque chose, je le pensais.
Les gens dans la rue nous prenait même pour des soeurs jumelles. Nous avions une grande ressemblance physique, même carrure, même cheveux longs, même couleur d'yeux.
Nous étions toujours dans le groupe d'amis, qui s'agrandissait au fil des mois. On allait à des fêtes tous les weekends, accompagnées d'alcool qui coulait à flot et de drogues. A cet âge les relations avec les garçons étaient l'une des choses les plus importantes. Chaque soirée, j'embrassais différents garçons, connus ou inconnus. Je ne couchais jamais avec eux, je ne pouvais pas, je n'étais pas prête, et c'était ma seule limite. Mais j'ai vite découvert que ce n'était pas ce qui se disait dans mon dos. Nous étions les filles faciles aux yeux de tous. J'étais une proie. Mais il y avait ce garcon, C, que j'admirais et dont j'étais amoureuse. Je ne savais pas ce qu'il pensait de moi, et je n'arrivais pas à l'avoir. Il était respectable. Je parlais de lui à N. à longueur de journées.
23 Avril 2005.
Une soirée bien arrosée comme toutes les autres. Je ne sais même plus chez qui on était. Je me souviens que ca a mal terminé. N, avait trop bu, elle tombait par terre, et je n'étais pas non plus en état de la soutenir. Ses parents ont débarqués, à vélo, pour venir la chercher. Je pense que quelqu'un les avait appelés dans notre dos. Après des crises de cris devant tout le monde, ils sont repartis, et on s'en allait. Certains amis étaient venus avec nous. On marchait dans Rennes, en pleine nuit. Nous n'avions nul part où dormir. On s'arrête finalement dans une cour d'église pour dormir. On avait quelques couvertures, et des gros blousons pour nous tenir chaud. Le garçon dont j'étais amoureuse, C, était là, mais persuadée qu'il ne voulait toujours pas de moi, c'est un autre qui me prit par la main cette nuit là. On l'appellera 'Co'. Il s'occupa de moi comme aucun ne l'avait fait jusque là, il était d'une extrême gentillesse, et il n'a fait que me tenir chaud pour la nuit. On s'est embrassés. Rien de plus.
Au petit matin, personne n'avait dû réussir à dormir à cause du froid. Alors que l'on était en route tous ensemble pour rentrer chez nous, N, me raconta que C, avait passé la nuit à parler de moi, qu'il me voulait, mais qu'il hésitait. Mais cet autre garçon qui avait été là pour la nuit voulait me revoir. J'ai dû l'ignorer, pour attendre C.
26 Avril 2005.
'Co', vint me parler, et m'apprenait qu'il était heureux d'être enfin en couple. Sur le coup je cru qu'il parlait de moi, qu'il était heureux de m'avoir rencontré et qu'il voulait être avec moi. Pour en être sûre, je lui demandais avec qui il sortait. La réponse fut un choc.
N.
"Ah. Ok." Elle ne m'en avait pas parlé. Elle ne m'avait rien dit. Et les semaines qui suivaient, je du tenir la chandelle à N et Co. Ca me brisait le coeur. Elle me l'avait fait à l'envers. Elle m'avait fait croire que C voulait de moi pour pouvoir s'approcher de Co et le voir en douce. Je l'avais compris, mais je n'ai rien dis à N. Je suis restée là, béate, à les regarder à être heureux ensemble.
Mai 2005.
N, de son côté, n'avait pas une vie de famille facile. Ses parents n'étaient pas les plus tendre envers elle. Ils la frappaient devant moi. Ils lui criaient toujours dessus. Je fus choquée de nombreuses fois. Mais j'encaissais, et je ne disais rien. Elle me disait qu'elle s'auto-mutilait. Que ca lui faisais du bien. Elle cachait toujours son bras, alors je ne voyais pas.
Et les choses sont allés de pire en pire. Les coups bas s'enchaînaient, je devenais sa marionnette, sa chose à tout faire, à tout encaisser, et à ne rien dire. Jamais rien dire. Je m'enfermais dans une bulle avec une fille que j'aimais plus que tout, mais qui me mentait. Elle avait fait en sorte que je tourne le dos à tous mes autres amis, je n'avais personne d'autre à qui en parler. Alors comme je l'ai toujours fais, j'ai encaissé en fermant ma gueule. Sans jamais me plaindre. Commençait alors le descente en enfer. Je m'auto mutilais l'avant bras gauche d'une force dont je ne me rendais pas compte. Presque 8 ans après, j'en garde de nombreuses cicatrices.
Les coups s'enchainait à grande vitesse. D'abord toutes les semaines, puis vite, tous les jours. Je n'en pouvais plus. Je devais mener un double jeu, être avec elle, et par derrière en pleurer. Je me renfermais de plus en plus, tandis que petit à petit elle arrivait à prendre le contrôle totale de ma vie. D'abord par les garcons. Puis par mes amis. Puis par mes frères. Et le jour où elle arriva à faire en sorte que ma mère me tourne le dos, je craquais. Je n'en pouvais plus. Mes notes au collège étaient en chute libre. Les profs m'obligeait à voir la psy scolaire, qui n'étais pas d'une plus grande utilitée qu'un tournevis pour un bébé. Je refusais de lui parler, et de toute facon N était là à chaque fois. Je pensais être plus forte en sa présence. Mais elle me bouffait. Je savais que si je ne l'arrêtais pas, j'allais bientôt disparaitre et ne devenir que son ombre, mais je n'en avais pas la force. J'avais perdu tout ce qui me maintenait. J'avais perdu tout espoir. Je n'en voyais pas la fin, je ne comprenais rien à ce qui se passait. Chaque phrase qu'elle pouvait dire, tournoyait dans ma tête pour me demander si ce n'était pas un mensonge. Elle me faisait peur. J'avais des preuves qu'elle me mentait, et je ne pouvais toujours rien faire. Je voyais son bras, qui était clair comme la peau d'un bébé, tandis que le mien se boursouflait de plaies ouvertes. Mais je ne trouvais pas la force de me séparer d'elle.
31 Mai 2005.
C'était un Dimanche matin. Je me souviens exactement quel temps il faisait. Clair et humide. Un grand ciel bleu grisâtre. Je me sentais faible. J'avais mal au coeur. J'ai écris une lettre, en pleurant comme jamais, qui s'adressait à ma mère. J'ai volé de la nourriture, une couverture, que j'ai roulé en boule dans mon sac à dos. N avait dormi à la maison. J'ai dis que je la raccompagnais à l'arrêt de bus vers 11h du matin. Et on est partis, avec nos sacs. On a marché dans la campagne, à travers les champs. La rosée nous mouillait nos chaussures. On se tenait la main, on rigolait. On comptait s'arrêter dans une cabane que l'on connaissait qui était à quelques kilomètres, on s'était dit qu'on y arriverait pour dormir. Nous n'avions rien prévu pour les jours d'après. On s'arrêtait dans un champs pour se reposer, cachées derrière des broussailles. On savait que plus le temps passaient, plus on avait de chance que des gens soient à notre recherche.
Mon téléphone sonnait. C'était ma maison. Evidement, on ne répondait pas. Ca a sonné une bonne dizaine de fois avant que l'on est un message vocal. C'était l'ami de ma mère, il ne parlait pas, il avait juste tendu le téléphone vers ma mère, qui pleurait, qui disait à mon frère "Mais si elles ont pris le bus de 11h on peut les rattraper? A moins qu'elles soient à pied, (...)" Il me laissa entendre deux bonnes minutes d'inquiétude folle de ma mère. J'ai fondu en larmes. Non, je n'avais pas la force de lui faire du mal. Je l'aimais trop pour ca. Ca continuait à sonner. Je ne pouvais pas parler. Elle m'envoyait des textos. Je craquais rapidement, en lui disant qu'il fallait qu'elle respecte ma lettre, qu'elle ne devait pas nous chercher, qu'on irait bien, et que l'on reviendrait lorsque l'on penserait que les gens nous accepterait. Elle n'eut pas le choix que de dire qu'elle allait appeler la police, qu'elle ne pouvait pas me laisser faire ca à cause de N. Après plus de deux heures de discussion et de pleurs, on prit la décision de rentrer, à condition que l'on puisse être ensemble le soir même.
Evidement, en arrivant à la maison, les parents de N étaient déjà là, furieux comme jamais. Tout le monde s'est assit dans notre salon. Ses parents me détestaient, je le lisais dans leurs yeux. Mais avaient-ils conscience de ce qu'était réellement leur fille? Non.. J'étais la méchante qui avait mauvaise influence. Ma mère savait qui j'étais, que j'étais inoffensive, elle savait qu'elle ne pourrait pas les convaincre, elle laissait parler. Chacun rentrait chez soi. J'étais honteuse, pire que jamais.
1 Juin 2005.
Je me rendais en cours, les yeux boursouflés par les pleurs. J'arrivais en retard, tout le monde était déjà assis en classe. Je ne pu sortir autre chose qu'un léger "excusez moi" avant d'apercevoir N au fond de la classe, assise, qui me fusillait du regard. J'allais m'asseoir à coté d'elle, mais elle ne parlait pas.
Juin 2005.
Après cet épisode, je n'arrivais plus à me contrôler. J'étais devenu comme elle. Malgré les multiples tentative des profs de me raisonner, je devins je m'en foutiste de ce que les autres pensaient. N, et moi étions à nouveau inséparable. On buvait tout le temps, on fumait avant d'aller en cours, complètement défoncées. Mon style vestimentaire ne ressemblait plus à rien. Tant que c'était des couleurs sombres, je ne faisais plus attention au reste. Mes cheveux étaient toujours de plus en plus noir. Ma mine de plus en plus mauvaise. Je me forçais à ne pas dormir. Aux soirées les garçons nous tournaient tous autour, et les rumeurs allaient de bon train.
Juillet 2005.
Les vacances.
Comme chaque année, je devais partir un mois entier avec mon père au camping de Beg-Leguer, c'était mon paradis depuis que j'avais 6ans, l'endroit qui me ressourçait, qui m'apaisait. J'y avais tous mes repères. L'an passé, c'est là que tout avait changé en moi (je le raconte dans un précédent article). Evidement, N, était prévu dans le voyage cette année là, depuis bien longtemps.
Quelques jours avant le départ, je lui demandais de ne pas venir, car j'avais besoin d'être seule, mais elle refusait. Et l'on partait.
J'ai cru que me rendre à Beg-Leguer allait tout régler, comme d'habitude. Retrouver les mêmes amis. Les mêmes habitudes. L'innocence de l'endroit qui me rappelait celle de mon enfance.
Je retrouvais d'anciennes amies, des jumelles, Milene et Laura. Mais très vite deux clans se formaient, N et l'une des jumelles, et moi et l'autre. Comme une compétition, tout était mis à l'épreuve entre nous. Après des explications, N et moi nous retrouvions. On s'est vite découvert être intéressé par la même garçon qui habitait près du camping. Pour ne pas en souffrir, on se fit la promesse de s'en désintéresser chacune. Mais devinez qui je surprenais deux jours plus tard main dans la main et s'embrassant? Je pense que vous l'aurez deviné. Encore une fois, un mensonge, un coups bas, que je me devais d'encaisser. Une fois qu'elle a remarqué que je me devais de l'accepter, elle le largua, tout simplement, en me disant qu'il était à moi si je le voulais. Et elle se trouva un autre mec. La vie avait l'air d'un jeu pour elle. Et encore une fois, j'étais sa marionnette.
On s'est vite fait beaucoup de connaissances dans le camping. Chaque soir, comme chaque année, il y avait le feu de camp fait pour les jeunes pour picoler & co. Mais l'on était trop proche du camping, et je craignais à chaque instant que mon père debarque. On eut alors l'idée d'organiser une grande soirée sur la plage. Evidement c'était interdit par la loi, mais l'on était pas à ca près. On avait invité tout le monde, même les jeunes que l'on ne connaissait pas. Ca devait être énorme. Maintenant venait notre soucis de comment trouver l'alcool, elle et moi. Etions mineur et sans moyen de locomotion, et la ville la plus proche à 7kms, on n'eut pas d'autre idée que de le faire à la marche. On marchait au moins 3h sous la pluie, on n'en pouvait plus. Une fois arrivée en ville, on se trouvait un supermarché, achetait plusieurs bouteilles et le passage à la caisse se passait normalement, la caissière ne se doutant même pas que l'on était mineures. On croisait des amis en ville en voiture, qui nous ramenaient au camping. On camouflait les bouteilles sous nos piles de fringues, mais mon père dut nous entendre en parler, car il trouvait le tout et nous le confisquait. Qu'à cela ne tienne. On attendait qu'il dormait pour les voler, et on descendit sur la plage. Il y avait déjà quelques personnes. On enchaina les bouteilles à nous deux, et je remarquais rapidement dans les yeux de tous ces garçons que nous étions comme des proies, et eux les chasseurs. On buvait comme pas possible, et l'on ne tenait vite plus sur nos pieds. On se déshabillait pour aller se baigner dans la mer, sous les yeux ébahis de tous ces gens qui nous prenaient pour des folles. On s'en foutait. On était ensembles. A courir sur la plage, plonger dans l'eau, et puis continuer à boire. Les autres jeunes ne rigolaient pas avec nous, je ne me souviens plus pourquoi. Mais je sais que l'on passait pour des folles auxquelles ils ne voulaient pas avoir affaire. La nuit tombait. Les gens partaient au fur et à mesure, face à nos bêtises.
Et d'un coup, le trou noir, je tombais au sol, inconsciente. Je ne compris pas ce qu'il s'était passé. Les jumelles furent là en un instant, N. vomissait ses tripes tandis que je commençais à pleurer dans les bras de Milene. Elle me criait dessus, me montrait une vieille photo d'elle et moi et me disait "Regardes cette photo, regardes ce que tu es devenu, je t'aimais avant, on était comme des soeurs, il faut que tu te reprennes". Entre deux sanglots, je ne faisais que demander où était N. Milene me disait qu'elle était pas bien non plus, mais que les autres se chargeait d'elles. Maintenant qu'il faisait nuit noire, et que l'on était incapable de remonter jusqu'au camping, les gens essayèrent de nous aider. Une voiture passait par là par hasard, et les autres suppliait l'homme de nous ramener en haut de la colline jusqu'au camping. Il était mécontent, mais accepta. Deux minutes plus tard on arrivait, en vomissant en ouvrant les portières. Là on appercut le propriétaire du camping, lampe torche à la main, furieux, qui venait voir ce qui faisait autant de bruit. Mon père était levé, aussi furieux que lui, il s'était aperçu que nous n'étions pas dans notre tente. On nous ramena jusqu'à notre lit, et tout le monde disparut. Je crois que l'on tomba dans le sommeil en un rien de temps.
Le lendemain, au réveil, tout était confus. J'eus droit de la part de mon père un sermon, et il nous ordonna un couvre-feu à 20h, pour tous les jours qu'il nous restait à passer ici. Il était clair pour nous que nous n'allions pas le suivre. Le lendemain, à 20h, nous nous retrouvions à nous cacher dans les champs environnant le camping. Milene et Laura, qui nous tenait au courant de ce qui se passerait, venaient nous informer que mon père dormait. Et un peu plus tard, il s'était reveillé, lampe torche à la main, et nous cherchaient. Tout le monde lui disait qu'ils ne savaient pas où l'on se trouvait, alors qu'à travers les bosquets on pouvait l'apercevoir. On courait à travers champs, mains dans la main.
Mais quelqu'un nous dénonça, sûrement fatigué de nos bêtises.
Mon père nous ramena à la tente de force. Il était furieux, mais ne dit rien. Il ne reconnaissait plus sa fille.
On patienta un moment, le temps qu'il s'endorme, pour s'enfuir à nouveau. On tomba sur un groupe de jeunes garcons que l'on connaissait à peine. On se rendit à leur caravane, à picoler, et à jouer au streap-poker. Chaque fois que quelqu'un toquait à la porte, les garcons nous camouflait sous les meubles ou dans la salle d'eau. Mais ce n'était pas mon père. Un des garcons qui me plaisait me proposait d'aller à sa tente. J'acceptais, laissant N. au milieu de ses inconnus. Elle était d'accord. Je partis avec lui, on passa la nuit à sa tente, à l'autre bout du camping. On avait convenu avec N. de se retrouver à 10h du matin aux douches communes, afin de partir pour de bon.
Je ne dormis pas. Stressée.
Au petit jour, je me faufila à travers les bosquets afin de rejoindre comme convenu le bâtiment des douches et vestiaires. Je m'enfermais à clé dans une toilette, en attendant l'heure convenu, et N. Elle ne vint pas. A la place, deux officiers de police fracassait les portes afin de me trouver.
Lorsque j'ouvris, je tomba face à eux. Et aux parents de N. J'étais offusquée, je ne comprenais pas ce qui se passait. Ils me ramenerent à la tente. J'appercevais mon père, debout, de furieux, et N, assise au sol, pleurant.
Et là, j'ai tout appris, j'ai tout compris. La mère de N, furieuse, commença à nous sermonner. Je pleurais autant que N. Dans son discours, j'appris que N. m'avait menti sur son âge. J'appris que tout n'était que mensonge. La police est partie. Les parents de N. l'ont ramenés chez elle. Et je restais là, pleurant de tout mon corps. J'étais détruite, en mille morceaux. Mon père ne me parlait pas.
Il ne nous restait que trois jours à rester au camping. Je les passais seule, la plupart du temps sur mon rocher, au bord d'une falaise, face à la mer. Je m'ouvrais le bras avec une lame de rasoir. Je pleurais, je pleurais, je ne faisais que ca. Pour la première fois en 5 mois j'étais séparé de N. J'en étais triste, mais je ressentais un soulagement énorme. Je ne l'avais plus. Je n'avais plus ses mensonges. Et je compris que j'avais une opportunité de enfin ne plus jamais la revoir. Je décidais de la saisir. Je ne voulais plus la voir, ni avoir affaire à elle. Plus jamais.
Aout 2005.
Je rentrais chez moi à Rennes, toujours en pleur. Dans la voiture, je voyais les panneaux défiler, m'éloignant de Beg-Leguer. Je savais que c'était un adieu cette fois, et que jamais je n'y retournerais. Alors je pleurais, je n'arrêtais pas. Je suis rentrée chez ma mère, tel un déchet. Elle eut honte de moi, pour la première fois de sa vie. Mais elle savait que je souffrais. Après m'avoir fait un sermon, elle me laissa tranquille. Je restais dans ma chambre, toujours à pleurer. Je ne mangeais plus. Je restais dans le noir complet. Je voulais, non, je devais, retourner à Beg-Leguer. Je ne voulais pas en garder cette image de souffrance. Je supplia ma mère. Qui refusait, évidement.
Mais elle devait y emmener mon grand frère, alors on fit un compromis. On y allait deux jours, elle et moi, avec notre petite tente, pendant que mon frère serait avec ses amis. Et on partit, à nouveau, en direction de Beg-Leguer.
Toutes les personnes présentes en Juillet étaient partis, et j'en étais bien heureuse. Je pouvais 'recommencer' afin de garder une belle image de mon endroit paradisiaque.
Le soir, une fête était prévu sur la plage. Vu que mon grand frère y allait, j'avais l'autorisation aussi. J'ai retrouvé ses amis, qui eux me connaissait depuis toute petite, et ils me comprenaient. Je ne bu pas beaucoup, de peur de perdre le contrôle. Mais rapidement mon frère m'ordonna de rentrer, j'étais la seule fille à cette soirée, et les trente garçons présents faisaient des paris pour savoir qui allait réussir à me prendre ce soir là. Je le suppliais de pouvoir rester. Et je me retrouvais dans les bras d'un garçon qui m'avait plu il y a des années de ca. Je passais la soirée avec lui, à parler, à rigoler, et à s'embrasser.
On était posé sur un grand rocher, et, sans le vouloir, je m'endormis.
Je fus réveillée par la clarté du jour. Il n'y avait plus personne à côté de moi, ni sur la plage, hormis quatre ou cinq garçons en train de comater. Je rentrais au camping, quand je tomba nez à nez avec ma mère, furieuse et inquiète comme jamais. Elle avait passé la nuit à me chercher. Je n'en avais pas conscience, j'en étais désolée, mais mes explications furent vaine, car elle me ramena aussitôt chez nous.
A nouveau, les pleurs. J'étais au plus mal. Ma tentative pour faire la paix avec moi même à Beg-Leguer avait échouée. Ma mère ne me parlait plus, mes frères encore moins, et mes amis n'en parlons pas. Je me retrouvais seule, plus que seule. Seule avec mes pleurs, et mon sang qui dégoulinait de mon bras chaque jour.
Mais ma mère a un coeur gros comme ca, elle savait que j'avais appris de mes erreurs. Mais elle ne pouvais pas me laisser sans surveillance, de peur que je fasse une bêtise. Elle m'amena partout où elle allait. Chez ses amis, je ne parlais pas, je m'isolais, et je pleurais, encore. Depuis que N. était parti, je n'ai jamais eu de ses nouvelles, alors que cela remontait à deux semaines.
Une ancienne amie à qui j'avais tourné le dos, Hélène, me prit sous son aile. Elle m'accueillit chez elle pour quelques jours, et elle me fit retrouver le sourrire. Je lui avais tout raconté dans les moindres détails. Mais elle savait me faire sourire. Petit à petit, je me retrouvais enfin. Je décidais d'arrêter de m'auto mutiler, et à me nourrir à nouveau. Alors que l'on se promenait un jour, on tomba nez à nez avec N et sa mère. Je ne voulais pas le voir, mais je lui demandais pourquoi elle ne m'avait pas même ecris. Elle me promit qu'elle m'avait pourtant envoyé une lettre, que je n'ai jamais recu. Sûrement un nouveau mensonge, mais ce fut le dernier.
Je ne lui ai plus jamais adressé la parole.
Septembre 2005.
Ce fut la rentrée de 4eme. N'ayant plus personne à qui adresser la parole, je me remis dans mes cours. Dès le premier trimestre je retrouvais de bonnes notes. Mais j'étais détruite. J'avais tout perdu. Je me remis petit à petit à me reconstruire, lentement. Je m'éclaircissais les cheveux, et rachetait des habits convenables. Je devais me retrouver, retrouver la Alice que j'étais. Mais j'eus du mal.
Aujourd'hui, presque 8ans après cette histoire, j'en garde des séquelles. Je pense que je ne m'en remettrais jamais complètement, et mes cicatrices sur l'avant bras gauche me le rappel tous les jours.